Préparé par Paul Gipe et Nancy Nies
le 11 mai 1995
Résumé
Un aperçu sur l’exploitation de l’énergie éolienne en Amérique du Nord et en Europe: capacité installée, production, performance et évolution du marché.
Aperçu
La puissance et la production éoliennes ont augmenté considérablement en 1994. Il y a maintenant quelque 26 000 aérogénérateurs en service dans le monde, ce qui représente 3 600 MW de puissance. En 1994, la production mondiale d’électricité par les aérogénérateurs a dépassé pour la première fois 6 TWh. Si le taux de croissance actuel se maintient, les éoliennes produiront 14 TWh dès l’an 2000. On s’attend à ce que les ventes mondiales d’aérogénérateurs atteignent presque 1 milliard de dollars US et à ce que les ventes d’électricité produite ajoutent presque 750 millions de dollars US au total des revenus dès la fin de 1995. L’industrie n’a pas vu son chiffre d’affaires passer au-dessus d’un milliard de dollars US depuis 1985, au plus fort de la “ruée vers le vent” en Californie. A ce moment-là, les revenus étaient presqu’entièrement dus aux ventes des nouveaux aérogénérateurs.
L’Europe dépassera l’Amérique du Nord en 1995
La croissance rapide de l’industrie en Europe continue à dépasser de loin celle de l’Amérique du Nord et de l’Asie. L’exploitation active de l’énergie éolienne n’a pas l’air de diminuer. A tout prendre, l’Europe a installé plus de 440 MW de puissance en 1994, par rapport aux 250 MW installés en 1992 et aux 330 MW installés en 1993. Dès la fin de 1995, et pour la première fois depuis le début des années 80, l’Europe exploitera plus de puissance éolienne que l’Amérique du Nord, quelque 2 200 MW en tout.
Actuellement, on trouve le tiers de la puissance installée au Danemark, où se trouve l’un des marchés intérieurs les plus stables de l’Europe pour l’énergie éolienne, et où on continue à installer 40-50 MW par an. Le marché le plus actif du monde se trouve en Allemagne, avec presque 40% de la puissance installée européenne. Les sociétés éoliennes allemandes ont installé 310 MW en 1994, et on s’attend à l’installation d’une quantité équivalente de MW en 1995. Le monde n’a pas vu un tel essor dans l’installation de nouveaux aérogénérateurs depuis celui de 1985 en Californie.
En Grande-Bretagne, on prévoit un accroissement rapide du marché au fur et à mesure de l’approbation des sites proposés par les sociétés éoliennes. Celles-ci ont en main pour 400 MW de nouveaux contrats d’installation. Au rythme où l’on approuve les sites présentement, les analystes britanniques s’attendent à l’ajout d’au moins 300 MW de plus dès 1997 ou 1998.
Les marchés hollandais, belge, français, italien, et grec paraissent au point mort. Il est possible que l’Espagne, surtout en Galice, entre dans le marché en tant que l’un des producteurs principaux.
En ce moment, les fabricants européens d’aérogénérateurs produisent à peu près 15 MW de nouveaux matériels par semaine. De leur côté, les Américains en montent presque 5 MW. A ce rythme, les expéditions devraient atteindre près de 1000 MW de nouvelles turbines en 1995 pour une valeur au détail de plus d’un milliard de dollars US.
Tehachapi prend la tete de la production
Depuis 1992, le col de Tehachapi (à 100 milles au nord de Los Angeles) est en tête de la production mondiale d’électricité par éoliennes. La région de Tehachapi a produit 1,32 TWh en 1994, selon la société Southern California Edison. La production d’Altamont Pass (à l’est de San Francisco) a augmenté considérablement en 1994 avec 1,14 TWh contre 0,834 TWh en 1993. Ainsi, Altamont Pass a repris la deuxième place parmi les régions productrices du monde. Selon les rapports préliminaires, la région de Palm Springs a établi un nouveau record en produisant 770 millions de kWh en 1994.
Activités actuelles en Amérique du Nord
En 1994, et pour la première fois depuis 1991, le nombre de nouvelles installations en Amérique du Nord a dépassé le nombre d’éoliennes démantelées, grâce à l’ajout de projets de 25 MW dans le Minnesota et de 10 MW dans l’Alberta, et le remplacement de certaines vieilles machines en Californie. La part nord-américaine de la production mondiale d’électricité par aérogénérateurs a baissé jusqu’à 54% en 1994, le niveau le plus bas de la décennie précédente. Jusqu’en 1990, 78% de la production mondiale d’électricité éolienne était en Californie. La diminution relative de l’importance du role que jouait l’Amérique du Nord au sein de l’industrie éolienne modiale est due à une période d’essor en Europe en parallèle à une faible croissance en Californie. La production europeenne dépassera celle de l’Amérique du Nord dès la fin de 1995.
Au cours des années 1995 et 1996, les sociétés éoliennes termineront ou commenceront l’installation de presque 500 MW de nouvelle puissance, comprenant 75 MW dans la gorge du fleuve Columbia dans l’état de Washington, 70 MW dans le Wyoming, 3 MW en Saskatchewan, 105 MW au Quebec, 100 MW ou plus au Texas et 100 MW dans le Minnesota. Il se peut aussi que l’on installe de la nouvelle puissance ou que l’on remplace des éoliennes en Californie pendant cette période. Toutefois, la venue d’une nouvelle réglementation rend la situation incertaine. Par ailleurs, plusieurs entreprises americaines sont actives au Mexique.
Prix en baisse
Le prix d’une centrale éolienne a baissé considérablement depuis l’installation des premiers projets en Californie en 1981. Cependant, il ne ressemble pas beaucoup au cout si vanté de 1 000 $US/kW de puissance, sauf pour des projets installés par des sociétés de service public au Danemark et deux autres achevés cette année aux États-Unis.(1) Le prix des projets californiens est descendu jusqu’à 1 250 US$/kW en 1987. Les projets subséquents ont été plus coûteux à cause de la construction d’un réseau de transmission haute tension de 45 milles de longueur.(2) Ce prix comprenait aussi le bénéfice de la société éolienne. De la même façon, les projets privés en Angleterre et au pays de Galles sont parmi les plus coûteux de l’Europe, atteignant 2 000 US$/kW. Seuls les projets des sociétés danoises de service public montrent une baisse régulière du prix par kW installé, résultat de la vente aux enchères et du financement à bas intérêt. Les services publics danois réalisent leur bénéfice pendant la vie du projet. Au début de 1994, Kenetech a fini la construction des projets de deux sociétés de service public, l’un en Californie pour le Sacramento Municipal Utility District et l’autre dans le Minnesota pour Northern States Power, à 1 100 US$/kW.
A la fin de 1994, la Grande-Bretagne a annoncé la troisième tranche de la Non Fossil Fuel Obligation (la NFFO) en Angleterre et au pays de Galles et les premiers contrats du Scottish Renewable Order. Les offres sont révélatrices parce qu’elles comprennent de nouveaux contrats de 15 ans. Les contrats plus longs, presque deux fois la longueur des tranches NFFO précédentes, ont permis aux sociétés éoliennes de trouver un financement moins coûteux. Cela a permis de réduire de moitié le prix du kWh des nouveaux projets. Les sociétés ont présenté des soumissions à 4,3 pence/kWh (0,069 US$) pour des projets de plus de 4 MW en Angleterre et au Pays de Galles. La proposition retenue était aussi la plus basse à 3,98 pence/kW (0,064 US$). On observe des résultats semblables en Ecosse. Les vents plus forts ont permis aux promoteurs de presenter des soumissions à un prix aussi bas que 3,8 pence (0,061 US$). Le prix moyen des soumissions se situait à 3,99 pence du kilowattheure.(3)
Peformance en hausse
Selon les données du Performance Reporting System de la California Energy Commission, de la société BTM Consult et du Laboratoire National Risoe au Danemark, la performance des éoliennes individuelles et des centrales éoliennes en Californie et au Danemark est en hausse continue depuis le début des années 80. L’exception, c’est la performance moyenne des centrales éoliennes californiennes et celle des centrales éoliennes construites en Californie après 1985. La performance a été à son maximum en 1990, et a baissé depuis. Il y a plusieurs explications possibles. Les vitesses des vents ont baissé à la fin des années ’80 et au début des années ’90, à cause du phénomène El Niño et d’une éruption volcanique aux Philippines. Il se peut aussi que les aérogénérateurs commencent à vieillir.
La hausse continue des résultats enrégistrés en Californie et au Danemark serait due aux changements successifs dans la conception des éoliennes. La taille moyenne des turbines danoises qui était de 55 kW (15-16 mètres de diamètre) au début des années ’80, est passée progressivement à 100 kW, 200 kW, 400 kW, et jusqu’à 500 kW pour les plus récentes conceptions.
D’année en année et d’un modèle à l’autre, on observe une amélioration de la performance des éoliennes danoises.(4) Par exemple, la performance moyenne du modèle de 450 kW (850-900 kWh/m2) est deux fois plus élevée que le premier modèle de 55 kW. Meme la plus récente turbine de 55 kW montre une hausse considérable de rendement par rapport au modèle précédent. On observe des résultats semblables en Californie lorsqu’on compare la production de toutes les éoliennes installées depuis 1985. Ce serait attribuable à une plus grand fiabilité des turbines, aux nouveaux profils des pales et aux tours plus hautes. C’est d’ailleurs ce dernier élément qui contribue le plus à la croissance de la performance. La hauteur moyenne est passée de 18 mètres à 35 mètres depuis le début des années ’80. Cet élément est suffisant pour augmenter l’énergie disponible de plus de 30 pour cent. Pour les sites qui produisent 600 kWh/m2/an, les tours les plus hautes ajouteront presque 200 kWh/m2/an, portant le rendement total à 800 kWh/m2/an pour un bon site.
Sur des sites exceptionnels, comme celui de la côte ouest du Jütland (7 m/s) ou celui de Whitewater Hill près de Palm Springs, les éoliennes contemporaines doivent produire 1 000 à 1 250 kWh/m2/an. San Gorgonio Farms, qui exploite la centrale éolienne la plus productive, atteint régulièrement ce niveau de production. Il y a de nombreux sites dans le nord de l’Europe, y compris ceux des côtes de l’Allemagne et des Pays-Bas, où la production dépasse 1 000 kWh/m2/an.
La Californie
La plupart des aérogénérateurs californiens sont de conception ancienne et ont un moins bon rapport coût/performance que ceux d’aujourd’hui. Certains d’entre eux ont plus de dix ans d’âge, ce qui a peut-être contribué à la baisse de la performance moyenne au cours des années 1991 et 1992. Presque 3 100 d’entre eux, totalisant 230 MW, sont de la première génération. Ils sont souvent coûteux à entretenir, mal placés, installés sur de petites tours, et peu fiables. Beaucoup d’entre eux ne sont pas récupérables. La plupart de la puissance de l’état (1 200 MW) est fournie par des éoliennes de la deuxième génération, comprenant des machines danoises de 100-150 kW et le modèle 56-100 de U.S. Windpower. Il y a 1 300 aérogénérateurs de modèles plus récents, représentant 300 MW de puissance.
Le bureau de la côte ouest de l’American Wind Energy Association, dans une étude faite pour la California Energy Commission, a estimé que le remplacement des aérogénérateurs des première et deuxième générations par des machines contemporaines pourrait faire baisser les coûts de fonctionnement et de maintenance, réduire de plus de 50% la densité des machines dans le paysage, et augmenter de 30% (jusqu’à 3,6 TWh) la production annuelle. L’étude de l’AWEA conclut que ce remplacement rendrait plus concurrentielle l’industrie éolienne avec d’autres ressources en Californie, préserverait des emplois, et réduirait l’impact esthétique, ce qui augmenterait son acceptation publique.
L’étude de l’AWEA a fait la première enquête exhaustive sur les emplois reliés aux centrales éoliennes et à leurs fournisseurs. L’AWEA a trouvé qu’il y a 1 250 personnes qui travaillent directement pour l’énergie éolienne en Californie (460 emplois/TWh/an). Ces résultats soutiennent la comparaison avec l’estimation qu’a fait la société BTM Consult sur le nombre de personnes employées dans l’industrie éolienne au Danemark. BTM estime qu’il y a presque 600 personnes employées dans la fabrication des éoliennes au Danemark (6 emplois/MW) et encore 400 personnes employées dans l’entretien des éoliennes (440 emplois/TWh).(5)
Conclusion
L’énergie éolienne fournit actuellement 1% de la consommation électrique de la Californie et presque 4% de celle du Danemark. La production mondiale d’électricité par aérogénérateurs dépassera 7 TWh en 1995, quand l’Europe dépassera l’Amérique du Nord en production totale et en puissance totale. Sur de bons sites, les machines de taille moyenne devraient avoir des performances au-dessus de 800 kWh/m2/an.
Sources
(1) Jens Vesterdal, ELSAM, “Experience with Wind Farms in Denmark,” congres a theme special de l’European Wind Energy Association sur “The Potential of Wind Farms,” Herning, Denmark, September 1992.
(2) California Energy Commission, “Wind Project Performance Reporting System,” Sacramento, Calif., 1985-1991.
(3) Paul Gipe, Wind Energy Comes of Age (New York: John Wiley & Sons, 1995), 239.
(4) Finn Godtfredsen, Laboratoire National Risoe, “Wind Energy in Denmark: Development in Wind Turbine Technology and Economics Since 1980,” article présenté a Windpower ’93, congrès de l’American Wind Energy Association, en juillet 1993 à San Francisco, Californie.
(5) BTM Consult, communication personnelle, avril 1993.
Paul Gipe et Nancy Nies 15.08.95